Par Pamela Fuselli
Présidente-directrice générale de Parachute

Si vous cherchiez des personnes travaillant dans le domaine de la prévention des blessures début novembre, c’est près de la « banane géante » à Vancouver (quelle meilleure image d’une blessure qu’une peau de banane?) que vous les auriez trouvées. Pour la première fois en près de dix ans, nous avons pu nous réunir en personne pour échanger des idées, faire le point sur nos travaux et planifier comment, collectivement, mettre fin aux blessures graves qui altèrent ou détruisent des vies.

Notre dernier rassemblement avait eu lieu à Montréal en 2013, peu après la formation de Parachute en tant qu’organisme national de bienfaisance dédié à la prévention des blessures. Au fil des ans, divers secteurs – parmi ceux qui travaillent dans le domaine de la prévention des chutes à la sécurité routière – se sont rencontrés régulièrement lors de conférences et de réunions portant sur des sujets spécifiques, mais la Conférence canadienne de prévention des blessures, qui s’est tenue à Vancouver en novembre 2022, était unique dans la mesure où elle nous a réunis en tant que collectif. 

Nous le savons, les principales causes de décès par blessure au Canada sont, dans l’ordre, les chutes, les automutilations, les empoisonnements involontaires et les incidents de transport. Des experts de ces quatre domaines étaient présents à la conférence. 

Plus encore qu’avant la pandémie, les praticiens de la prévention des blessures sont bien conscients du fait que, quelle qu’en soit la cause, les blessures touchent certaines populations de manière disproportionnée. Connus sous le nom de « déterminants sociaux de la santé », ces facteurs signifient que le fait de souffrir ou non d’une blessure est grandement influencé par des facteurs systémiques tels que le revenu et le lieu de résidence. Par ailleurs, des éléments tels que le niveau d’éducation et l’identité raciale ont une incidence sur ces deux éléments.

Lucy Sager, directrice de la All Nations Driving Academy, a évoqué les difficultés rencontrées dans les communautés autochtones rurales de la Colombie-Britannique qu’elle dessert. Elle a fondé son entreprise en reconnaissant que l’absence de permis de conduire a été, pendant de nombreuses années, le principal obstacle à l’emploi des membres des communautés des Premières nations dans les zones rurales de la Colombie-Britannique.

Notre conférence se tenait à West Hastings, un charmant quartier urbain situé le long du magnifique Coal Harbour. Mais cette même rue, à quelques centaines de mètres de là, se transforme en East Hastings, l’un des endroits les plus tristes du Canada, où les personnes aux prises avec une dépendance aux opioïdes vivent dans des ruelles et des campements de tentes alignés le long des trottoirs.

Nous avons également passé beaucoup de temps à discuter des raisons pour lesquelles il est si difficile d’attirer l’attention et d’obtenir des ressources pour la prévention des blessures, et des façons d’améliorer la situation à l’avenir afin de s’attaquer à cette cause principale de décès chez les Canadiens âgés de 1 à 44 ans. J’ai dirigé un groupe de discussion sur le thème « Pourquoi la prévention des blessures n’est-elle pas une priorité? » et les idées qui en sont ressorties serviront à orienter les efforts de Parachute à l’avenir. Nos intervenants principaux, André Picard, auteur et chroniqueur santé du Globe and Mail, et le Dr. Frederick Voon, médecin urgentiste à Victoria, en Colombie-Britannique, (et auteur de Your Inside Guide to the Emergency Department, et How to Prevent Having to Go), nous ont mis au défi et nous ont incités à travailler avec les systèmes de soins de santé, les gouvernements et les communautés pour apporter des changements.

Enfin, j’ai été fière de diriger notre équipe Parachute, qui a fait des présentations et participé à des discussions de groupe tout au long de la conférence. L’équipe de planification de la conférence, composée de membres de l’équipe Parachute et de nos collègues de la BCIRPU (British Columbia Injury Research and Prevention Unit – Unité de recherche et de prévention des blessures de la Colombie-Britannique) et des BCCDC (British Columbia Centres for Disease Control – Centres de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique), a eu la lourde tâche d’organiser cette conférence et les résultats ont été remarquables. Les membres de notre équipe sont des experts dans leur domaine et, au cours de la conférence, ils ont partagé leurs points de vue sur des sujets aussi variés que nos difficultés à recueillir des données sur les blessures, les campagnes de promotion de l’entreposage sécuritaire des aliments à base de cannabis, la sécurité routière dans le cadre de Vision zéro et l’engagement des jeunes. 

Je suis revenue de la conférence avec une passion renouvelée, et la détermination de me concentrer sur les changements systémiques qui réduisent les risques de blessures pour tout le monde : les personnes qui ont des moyens vivent dans des quartiers plus sûrs, et elles peuvent dépenser de l’argent pour installer et utiliser tous les derniers dispositifs de sécurité ou pour modifier leur comportement. L’endroit où vous vivez, la façon dont vous vous déplacez ou l’endroit où vos enfants jouent ne devraient pas faire la différence entre être gravement blessé ou pire. Il existe des solutions inexploitées qui, nous le savons, peuvent prévenir ces blessures. Ce qu’il nous faut, c’est agir.

Nous avons entendu l’appel à ne pas laisser passer 10 ans de plus avant de nous réunir, encore une fois. En attendant, nous sommes rentrés chez nous avec des liens, des objectifs et une volonté renouvelés de réduire les blessures pour tous les Canadiens.